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Une psychotique chez les névrosés
Une psychotique chez les névrosés
  • Vous êtes vous déjà demander ce que vivait les fous dans un monde qui ne leur ressemble pas. Alors bienvenue dans mes délires et mes souvenirs. Et parce que parfois, les fous passent inaperçus et ont un métier, ils leur arrivent d'avoir un point de vue su
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25 octobre 2009

Annie, te souviens-tu... qu'il faut bien vivre

Je vient de finir Annie te souviens-tu de Léo Bardon. On me l'avait recommander pour l'image de la maladie d'Alzheimer et de l'accompagnement par les proches qu'il véhicule. Personnellement, je ne connaît pas Annie Girardot. Je vais assez peu au cinéma et n'ai pas de télévision. Du coups, je suis assez peu sensible au coté people et biographique du livre. Cette femme est pour moi juste une femme touché par une maladie qui fait parti de mon quotidien. L'écriture du livre est assez sensible et se lit facilement même s'il suinte littéralement de violence et de souffrance.

Au delà du témoignage personnel, Mr Bardon parle très bien de la maladie et du quotidien qu'elle engendre. Pour participer à des réunions de soutien de familles, je connaît leur surprise par rapport "aux restes", à ses capacités qui persistent malgré tout. C'est superbement bien décrit avec cette différentiation de Annie, femme malade diminuée et de Girardot, l'étonnante et magnifique actrice qui parvient malgré tout à exister. Malgré tout, je crois que cette schyze pause tout de même le problème du rapport à la personne et à sa maladie, de cette incapacité récurrente des familles de reconnaître leur proche dans leur globalité mais aussi dans leur évolution. La maladie est perçu comme un monstre qui mange peu à peu les capacités des personnes qu'elle touche. En tant que professionnel, je comprend la nécessité d'amener l'entourage à voir différemment la personne, non pas à travers une somme d'incapacité mais comme une personne, une personnalité, des émotions au delà des souvenirs. J'encourage souvent les familles à sortir, à organiser des évènements particuliers pour leur proche malade. La lecture de ce livre m'a permis de conceptualiser quelques chose que je ne faisait que sentir. Notre rôle en tant qu'accompagnant est de parvenir à changer la temporalité des proches. Il faut les sortir de ce "Ah, mais si vous saviez comme elle était intelligente et sensible avant" pour aller vers le "Je suis heureux d'être avec toi parce que je voit ton plaisir immédiat" et donc passer de la remémoration perpétuelle du passé comme grille d'analyse du présent au vécu du présent.
Je croit au vertu de la parabole et vais donc illustrer cela par un exemple récent. Une de nos résidentes vient des pays de l'est. Elle est arrivée avec ses maîtres russes blancs et n'a jamais eu d'enfant. elle a cependant une jeune soeur décédé depuis quelques années mais qu'elle a réussit à faire venir avec elle pour qu'elle reçoive une bonne éducation. Sa soeur a eu trois enfants qu'elle a élevés dans le respect de cette tante qui leur a appris les bonnes manières et qui les emmenaient dans les plus grand restaurant malgré sa paye modeste pour qu'ils soient à l'aise dans tous les milieux. Lorsque je suis arrivée, j'ai rencontré l'un des neveux qui me faisait part de sa détresse de voir sa tante mangé avec ses doigts et surtout mangé en texture mixé. Je sentais que quelque chose n'allait pas dans l'esprit et dans le désir de cette famille. Alors j'ai pris le temps de parler avec lui et finalement est venu Le problème. Tous les ans, le jour de l'anniversaire de cette vieille dame, toute la famille se retrouve dans un grand restaurant pour fêtez cette femme. Et il ne voyait pas comment cette année, ils allaient pouvoir faire et avaient l'impression que cela n'aurait pas de sens. Alors je lui ai répondu que sur le principe, manger un tartare et une purée dans un restaurant proche étaient tout à fait possible. Il m'a regarder surpris et m'a dit "Mais pourquoi?" Et bien simplement parce que c'est un moment émotionnellement fort et que je suis sûre que voir sa famille va faire plaisir à cette résidente. Alors à force de discussion et d'accompagnement, ils ont organiser ce déjeuner dans un restaurant. Et ils sont revenu transfigurer. Par la joie de leur tante, par leur joie de l'avoir auprès d'eux, par le vécu du moment présent sans arrière pensée.

Ce livre m'a replongé dans cette histoire dans ce sentiment d'accomplissement que l'équipe a ressenti cet après midi là. Nous, soignants, ne somme pas là pour rien. L'accompagnement est un métier, une sensibilité particulière. Certes par amour, un ami, une femme, un mari, un enfant peut accompagner une personne malade. Mais il se détruit au passage et ce livre brûle de cette destruction sous-jacente. Je croit qu'être soignant accompagnant, c'est de sentir cette détresse et de la remplacer par autre chose, si possible par de l'espoir mais plus humainement par des instants de joie justement pour stopper cette destruction et pauser les bases de la résilience de la famille toute entière mais aussi de chacun de ses membres. Je crois que c'est aussi une histoire culturelle. L'idée de la défaillance, de la perte, de ne pas être au top est insupportable dans notre société de la performance, du culte du corps, du culte de soi. Le soignant accompagnant est donc une sorte de gourou. Celui qui fait passer du monde réel au monde des esprits, du spirituel, de la sagesse universelle de l'instant. Gourou peut sembler brutale mais je le maintient. La plupart des soignants accompagnants sont de très bons professionnels et sont donc des gourous au sens noble que l'on peut encore retrouver dans certaines cultures majoritairement africaine. Et puis il y a les autres qui se partagent entre les gourous charlatans qui brassent du vent et ne changent rien et ceux qui plus dangereusement deviennent excluant et exclusif, presque sectaire, comme s'il n'y avait qu'eux qui comprenait vraiment et que leur savoir ne peut être partagé. Etre un véritable soignant accompagnant est un équilibre justement entre le soin véritablement (maintien des acquis, prévention des chutes, entretien ostéo-articulaire, ... bref le coté technique) et l'accompagnement (soutien des familles, faire plaisir, ... le coté humain). Et donc d'être le bon gourou, celui qui est profondément humain mais aussi plus que cela et qui sait comment faire.

J'ai dévorer litérallement ce livre et je compte bien le faire découvrir à mon entourage. Parce que je crois que la souffrance qu'il véhicule peut être une formidavle base de réflexion, à la fois pour ceux qui vivent l'accompagnement de leur proche mais aussi pour ceux qui travaillent auprès des personnes ouffrant de cette pathologie. Pour voir au delà, pour se poser des questions. Parce que ce livre est tellement brut qu'il est indigeste autrement.

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