Rémi, tout simplement
Rémi a dix sept ans. Il aime les filles, le ciné et la musique. Un adolescent normal quoi. Pas tout à fait. Il y a un an, Rémi a voulu plonger d’une falaise avec ses copains. Trop de hauteur, pas assez de fond. Il fut le premier et le dernier à sauter.
Aujourd’hui Rémi est heureux. Il vient de réussir un gâteau dont la recette comporte des œufs en neige. Il y a passé sa matinée. Il me dit qu’il n’y a pas si longtemps, l’adjectif qu’il aurait utiliser pour caractériser ce qu’il est aurait été « pathétique ». Maintenant, il préfère « vivant ». Il y a un an, si on lui avait dit qu’il ne pourrait plus se lever seul, se laver seul, qu’il serait dans un fauteuil roulant, il aurait répondu que ça n’arriverait pas parce qu’il se serait suicider. C’était il y a un an. Aujourd’hui, il est tétraplégique haut. Mais il ne s’est pas suicider. Bien sûr, il a perdu nombre de ses anciens amis. Bien sûr, il a perdu certaines capacités. Bien sûr, il a perdu un avenir qu’il croyait tout tracé.
Il est handicapé. Il est vivant. Il s’en fout. Il aimerait mais en fait non. Bien sûr qu’il regrette sa vie d’avant. Bien sûr qu’il regrette d’avoir plonger du haut de cette falaise. Mais il s’est adapté. A-t-il le choix ? Pas vraiment. La seule chose qui lui importe c’est de pouvoir en faire plus. Son objectif personnel : pouvoir passer dans un fauteuil roulant manuel. Parce que le fauteuil électrique, c’est moins fatiguant mais ça passe pas partout, c’est grand, lourd et imposant. Alors pour ça, il se bat. Et il passe une matinée entière à faire un gâteau à la con qui prend une demi heure à faire.
Hier, sans complexe, il m’a battu à Star Wars Racer. Demain, il me promet de me mettre la patée aux dames et aux fléchettes. C’est comme cela qu’il tient ? Non pas vraiment. S’il ne s’effondre pas en larme tous les matins, c’est qu’il l’a déjà fait. Maintenant, il a accepté. Il est vivant, c’est tout ce qui compte ; il a comprit cela même si ça a été dans la douleur. Il a échangé un avenir contre un autre. Il voulait être ingénieur dans l’aéronautique, il sera ingénieur dans la robotique. L’année prochaine, il me promet qu’il sera dans un grand lycée parisien faire ses classes préparatoires. Il me glisse avec un clin d’œil, qu’il y a mit un an de plus mais que lui, il saura pourquoi il est là. Rémi est un élève de Terminal S comme les autres qui fait sa rentrée vendredi prochain.
Mais il n’est pas normal. Il a payé le prix fort pour avoir voulu montrer qu’il n’avait pas peur. Il n’est pas le seul. Des Rémi, il y en a cinq actuellement en réanimation deux étages plus haut. Normal, c’est la saison.